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La Chine va imposer des droits de douane supplémentaires de 34% sur les produits américains dès le 10 avril 

Ce tchat avec Marie Charrel et Pascal Riché est maintenant terminé

Merci à toutes et à tous pour vos nombreuses questions !

Bonjour,

Le problème des délocalisations et de la désindustrialisation est majeur, en France, comme aux Etats-Unis. Mais la façon d’y répondre n’est pas une guerre commerciale généralisée. Ni de tenter de faire revenir à l’identique les usines déjà parties. Il faut plutôt tenter de bâtir les usines de demain, par une politique de réindustrialisation difficile à mener, qui exige de défendre les usines qui renaissent par un cocktail d’aides publiques, de protection face à la concurrence étrangère à bas coûts, de formations. La France et l’Europe tentent de mener de telles politiques.

Marie Charrel

Ce qui est sûr, c’est que c’est un coup politique. Qui a mis en colère Manuel Valls, ministre chargé des outre-mer. Donald Trump a calculé des surtaxes pour ces territoires, indépendamment de leurs statuts, en se fondant sur leur balance commerciale avec les Etats-Unis. La Réunion subira des taxes de 37 %. D’autres territoires, comme Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie française, se verront appliquer respectivement des surtaxes de 50 % et 10 %, en raison de leur statut fiscal particulier. Cependant, l’impact économique pour ces régions sera limité : les sommes en jeu sont très petites.

Pascal Riché

Oui, il est détaillé dans ce papier :

Marie Charrel

Bonjour Donald Musk,

Oui, il s’en rend compte. Et il s’en fiche. Il ne veut plus d’un pays exerçant son influence sur le reste du monde par le soft power, par la présence militaire. Il veut l’America first. Il est difficile pour nous de concevoir à quel point son logiciel, et celui de ceux qui l’entourent, n’est plus celui des soixante-dix dernières années.

Les campagnes de boycott ont un effet limité. L’histoire montre que le seul cas qui a fonctionné est le mouvement anti-apartheid contre l’Afrique du Sud. La chute des ventes de Tesla n’est pas seulement liée aux boycotts.

Marie Charrel

OK. Vous oubliez un détail : ces produits sont concurrents des produits européens. Si vous ouvrez grand la porte aux panneaux solaires, autos, avions, machines, outils… chinois, au motif qu’ils sont 40 % moins chers, que croyez-vous qu’il se passera ?

Pascal Riché

Bonjour Gio,

C’est probablement ce que l’on va observer, oui. Du moins lorsque les incertitudes du moment sur « qui paiera vraiment quoi » seront un peu dissipées. Ajoutons que l’automatisation et l’usage accéléré de l’intelligence artificielle dans les process industriels réduisent également l’intensité en travail de nombreuses industries qui, même si elles reviennent aux Etats-Unis, ne créeront pas les emplois promis par Trump.

Marie Charrel

Bonjour LB,

L’euro n’a jamais encore été un bon candidat pour devenir une monnaie internationale de premier rang. C’est une drôle de monnaie : les budgets restent nationaux, avec des bons du trésor nationaux, et il y a toujours le risque d’une division (voire de « sorties » de l’euro). Appuyé sur l’immense marché très liquide des bons du Trésor américain, le dollar est plus attractif. Les marchés de capitaux américains sont larges et profonds.

Pascal Riché

Bonjour SansCommentaire,

Comment ne pas valider Audiard ?

Il ne faut pas se tromper : les excès de Donald Trump frisent souvent le grotesque, mais il n’est pas en roue libre. Du moins, pas totalement. Contrairement à 2016, il est arrivé au pouvoir avec un projet précis. Il veut faire de son pays une forteresse isolationniste. Il est en train de détruire les contre-pouvoirs et les savoirs en s’attaquant aux juges, aux universités, aux médias. C’est un test immense pour la démocratie américaine. Les optimistes pensent qu’elle va résister. Je ne suis pas sûre d’en faire partie. On se console avec les films d’Audiard…

Marie Charrel

Bonjour Poulard,

Peut-être l’inflation que cette guerre commerciale va engendrer pour eux. Peut-être aussi le constat, dans quelques années, ou moins, que le retour des emplois industriels n’est pas aussi fort que promis.

Marie Charrel

Bonjour Mouais,

C’est une très bonne question. Donald Trump a reconnu qu’il y aurait des turbulences à court terme pour les ménages américains, mais assure qu’ils seront gagnants à long terme. Mais ce n’est pas certain. Surtout, il néglige l’ampleur de l’inflation que les droits de douane vont engendrer pour les consommateurs américains, qui payeront une grosse partie de la note. Si son gouvernement a fait des estimations, elles n’ont pas pesé dans la balance.

Marie Charrel

Bonjour RicoleBG,

Donald Trump n’est pas toujours facile à comprendre, mais il est constant sur la question du commerce international. C’est un « mercantiliste » : il considère que le commerce est un jeu à somme nulle. Ceux qui ont des déficits sont des « losers ». Donc il faut maximiser ses exportations et minimiser ses importations, en établissant des rapports de force.

Les recettes tirées des droits de douane ne peuvent pas être sérieusement son objectif, car le Trésor va perdre davantage de ressources avec le ralentissement économique que cette politique va entraîner. La réduction du déficit commercial, autre objectif, ne sera pas automatique (on l’a vu en 2018, cela n’a pas marché). Reste les gains à long terme que les Etats-Unis peuvent espérer dans leur approche transactionnelle : localisations d’entreprises étrangères sur leur territoire, par exemple. Mais si les autres pays restent fermes, cette approche échouera aussi.

Pascal Riché

Bonjour Rassuré ?,

Les grands perdants, pour l’heure, seront surtout les pays pauvres et émergents sur lesquels les Etats-Unis frappent fort. Donald Trump veut ainsi imposer au Vietnam des droits de douane de 46 %. Or, les exportations vietnamiennes vers les Etats-Unis représentent 29 % du produit intérieur brut vietnamien.

Si ces droits sont effectivement instaurés, les pays comme celui-ci, tout comme le Cambodge, le Laos, le Bangladesh, verront leurs économies laminées, pour des raisons totalement injustes. M. Trump assure que le déficit commercial américain avec ces pays justifie ces mesures. Il voudrait réduire ce déficit en les obligeant à acheter américain. Voit-on des Vietnamiens aux revenus dérisoires acheter des Nike hors de prix ? Non.

Au jeu de la guerre commerciale, les Américains souffriront eux aussi, avec l’inflation.
Y aura-t-il des gagnants ? La Russie, peut-être, épargnée par les droits de douane, et à qui M. Trump déroule toutes les faveurs.

Marie Charrel

Bonjour Sam974,

Donald Trump n’est plus en campagne. Il exerce désormais le pouvoir et il cherche à appliquer ces mesures qu’il a depuis longtemps en tête. Il rêve d’un pays se finançant par les droits de douane, et il est peu probable qu’il retire l’entièreté des taxes annoncées. Elles ont déjà des effets concrets. Il est vrai qu’il se met en permanence en scène, mais ce n’est pas, ou plus, du pur spectacle. Il brutalise ses alliés de longue date, menace d’envahir des Etats souverains…

Marie Charrel

Bonjour Gomi,

Les recettes douanières devraient passer, selon une estimation du Cepii révélée ce matin, de 170 milliards de dollars à 500 milliards (155 milliards d’euros à 455 milliards). Trump a dit qu’il s’en servirait pour faire baisser l’impôt sur le revenu – qui rapporte beaucoup plus : 2 600 milliards de dollars (2 367 milliards d’euros).

Pascal Riché

Bonjour Jp,

Son modèle, William McKinley, qui en 1890 était représentant de l’Ohio à la Chambre, avait cette année-là fait passer une loi protectionniste très violente (des droits de douane de 50 %). S’en était suivi une hausse des prix et… une défaite cuisante pour les républicains aux élections !

Donc, oui, le calcul est très risqué politiquement. Et, selon les premières projections économétriques (celles du Cepii, par exemple), les Etats-Unis sont, parmi les pays développés, celui qui va le plus perdre dans l’histoire. Donc les midterms s’annoncent plutôt mal pour les républicains.

Pascal Riché

Bonjour ComprendreRien,

C’est en effet un scénario possible. Celui d’un monde multipolaire, organisé autour de différents blocs, dans lequel d’autres puissances régionales pourraient émerger : l’Inde, le Brésil, la Chine, l’Union européenne…

Mais les incertitudes sont nombreuses : combien de temps pour passer à un tel modèle ? L’Europe se réarme, mais construire les moyens de production de la défense, et produire effectivement, est long. Surtout : dans le passage à un tel monde multipolaire, les risques de conflits armés sont nombreux.

Marie Charrel

Bonjour Emmanuel the white,

L’idée, je pense, est de rester :

1) calmes, car une spirale de représailles tous azimuts serait néfaste à tous. On l’a vu entre 1929 et 1933, période qui a vu le commerce être divisé par trois dans le monde, ce qui a aggravé la Grande Dépression ;

2) unis, car évidemment Trump va chercher à diviser les Européens ;

3) pragmatiques : frapper là où cela fait très mal.

Ce n’est qu’en respectant ces trois conditions que les « crocs » seront efficaces. L’objectif n’est pas de devenir rouge de colère, mais d’atteindre l’objectif consistant à faire regretter à Trump son action.

Pascal Riché

Bonjour Si la terre pouvait rester habitable…,

Moins d’échanges commerciaux mondiaux pourraient soulager la planète, oui : on l’a vu pendant le Covid ! On peut espérer, dans un scénario très optimiste, que cela se produise dans une certaine mesure. Mais les Etats-Unis ont également relancé les forages et la production d’énergie fossile, au détriment de l’environnement.

En profiter pour changer de modèle : ce n’est, hélas, pas la voie que prennent ni les Etats-Unis ni le reste du monde. Tous restent sur un modèle productiviste, Donald Trump cherchant à relocaliser des productions, mais pas à les réduire.

Marie Charrel