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Dans un entretien au « Monde », le professeur à l’université du Connecticut explique comment, à travers l’histoire, certaines constantes, telles que la croissance des inégalités et la « surproduction d’élites », favorisent l’émergence de crises, comme celle observée, aujourd’hui, aux Etats-Unis.
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Il y a quinze ans, il prévenait déjà : les Etats-Unis traverseraient sans doute de fortes turbulences politiques dans les années 2020. Il avait vu juste. Anthropologue et professeur à l’université du Connecticut (Etats-Unis), Peter Turchin a accumulé des données sur dix mille ans d’histoire et 700 sociétés, de l’Egypte ancienne à l’Amérique d’aujourd’hui, afin de bâtir un modèle permettant d’identifier les constantes observées dans la prospérité puis l’effondrement des régimes politiques et Etats.
Dans l’ouvrage Le Chaos qui vient. Elites, contre-élites, et la voie de la désintégration politique (Le Cherche Midi, 448 pages, 23 euros), il montre que les grandes crises surviennent lorsque plusieurs dynamiques sont réunies : l’enrichissement excessif des plus aisés, l’appauvrissement des classes populaires et l’apparition d’une élite surnuméraire se déchirant pour le pouvoir. Autant de forces à l’œuvre aux Etats-Unis depuis les années 1970, et, dans une moindre mesure, en Europe.
Elle a des racines historiques profondes, liées à ce que j’appelle la « pompe à richesse ». Dans les années 1920, les Etats-Unis étaient en crise. Celle-ci a été résolue par le New Deal du président Franklin Delano Roosevelt [élu en 1932], qui a établi un contrat social implicite équilibrant l’intérêt des entreprises et des travailleurs. Ces derniers ont pu se syndiquer et s’organiser pour défendre leurs droits. Les nombreuses réformes de l’époque, dont une forte taxation des hauts revenus, ont également permis au pays de connaître une période de baisse des inégalités et de prospérité sans précédent, en particulier après la seconde guerre mondiale.
Cependant, ce contrat social s’est dégradé dès la fin des années 1970, lorsqu’une nouvelle génération d’élites, qui n’avait pas connu les années 1920, est arrivée au pouvoir avec l’administration Reagan. Celle-ci a réprimé les mouvements de travailleurs, allégé la fiscalité des plus fortunés. Les salaires ont commencé à décrocher par rapport à la croissance, tandis que la part des revenus captée par les plus aisés a crû : la « pompe à richesse » s’est mise en place. Le nombre de super-riches, détenant au moins 10 millions de dollars [9,6 millions d’euros, au cours actuel], est ainsi passé de 66 000, en 1983, à 693 000, en 2019. Les inégalités ont gonflé et, avec elles, le mécontentement.
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